Comment prévenir les risques professionnels pour les travailleurs saisonniers ?
Les emplois saisonniers sont très nombreux dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, de l’agriculture, du tourisme… et les risques professionnels de ces travailleurs, qui varient évidemment beaucoup selon les tâches effectuées, le profil des individus, ont néanmoins des caractéristiques communes : ils concernent plus fréquemment ce type de travailleur, car les travailleurs saisonniers sont plus exposés aux risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles du fait de la précarité de cette main d’œuvre, leur manque d’information, de formation et de connaissances des lieux et des procédés qui augmentent ainsi leur vulnérabilité…
Alors comment les protéger ? quels sont les risques à prendre en compte ? Quelles sont les obligations de l’employeur ?
Comme pour les salariés permanents, le responsable de l’entreprise doit prévenir les risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs saisonniers, doit prendre en compte leurs risques spécifiques dans le Document Unique de Sécurité, et favoriser la mise en œuvre d’actions destinées à résoudre les difficultés particulières des travailleurs saisonniers, notamment en matière d’obligation d’information et de formation à la sécurité renforcée, par exemple en organisant des séances de sensibilisation sur les risques et les moyens de les prévenir (port des équipements de protection, initiation aux premiers secours, respect des règles d’hygiène…). Des mesures de prévention particulières doivent être prises pour le travail au soleil ou de nuit, fréquent dans les activités des travailleurs saisonniers.
Les causes de la surexposition aux risques des travailleurs saisonniers
De nombreuses études montrent que le travail saisonnier est associée à une dégradation des conditions de travail et de la situation des saisonniers en matière d’hygiène et de sécurité (fréquence et gravité des accidents de travail, notamment les premiers jours d’emploi et en fin de contrat).
Et ce phénomène est probablement sous-estimé, car, la forte mobilité de l’emploi, leur précarité généralisée, la grande diversité des lieux de travail, rendent très difficile le suivi de ces saisonniers et la traçabilité de leurs expositions aux risques professionnels.
Le contexte de travail du saisonnier génère de multiples facteurs qui affectent ses conditions de travail et plusieurs raisons expliquent la vulnérabilité supérieure des saisonniers, notamment pour les saisonniers agricoles (dissémination sur les exploitations, enchainement de contrats courts, pénibilité et rythme du travail, population souvent précarisée).
Les différents emplois saisonniers
Qu’entend-on par travail saisonnier et quels secteurs sont concernés ? Les travailleurs saisonniers sont présents :
– principalement dans le secteur agricole (récoltes de fruits et légumes, vendanges, cueillettes de fleurs),
– le tourisme (campings, centres de vacances, animations sportives, culturelles et activités événementielles et festives),
– les services (hôtellerie et restauration, commerces, accueil du public…), µ
– certaines industries alimentaires (conserveries, …)
– les établissements thermaux.
Les contrats saisonniers correspondent à des emplois prévisibles, cycliques (à la différence des surcharges occasionnelles) le plus fréquemment pendant la période estivale mais aussi hivernale (stations de ski), répondant à des besoins de courte durée mais répétitifs d’une année sur l’autre.
Le niveau de qualification exigé est souvent bas, sauf pour des postes comme par exemple l’animation loisirs enfance /jeunesse, les maîtres-nageurs, conducteurs et cuisiniers, les guides pour les établissements patrimoniaux, les agents d’accueil…exigeant un brevet, un diplôme, un permis, la maitrise d’une langue étrangère… Les saisonniers sont souvent des non-locaux et/ou des jeunes gens (étudiants…), ce qui majore leur vulnérabilité (isolement, conditions de logement, manque de maturité, contexte ludique, permissif..).
Le contrat de travail saisonnier est un contrat à durée déterminée avec quelques particularités qui l’en distingue néanmoins :
– Pas de versement obligatoire à son terme d’une prime de précarité,
– Possibilité de ne pas comporter de date précise d’échéance, avec néanmoins une durée minimale d’emploi,
– Possibilité de comporter une clause de reconduction.
UN ENVIRONNEMENT SPÉCIFIQUE A PRENDRE EN COMPTE POUR LES EMPLOIS SAISONNIERS
Plusieurs facteurs vont influencer l’analyse des risques encourus :
1. Des situations dangereuses liées à des lieux de travail souvent temporaires
Qu’ils soient en intérieur ou à l’extérieur, les lieux de travail dans le domaine des activités d’animation festive, sportive, culturelle, où travaillent de nombreux saisonniers, sont souvent temporaires et précaires, dans des lieux qui n’ont pas été conçus pour cela, ou en plein air, parfois dans la circulation routière, si bien que les lieux ou locaux de travail se trouvent contraints à la fois par leur emplacement exigu et /ou peu adapté, leur infrastructures technique insuffisante ou préalablement inexistante (alimentation électrique, sanitaires, accès, sortie de secours…), et les conditions météorologiques.
2. Un rythme de travail bien spécifique aux saisonniers
Durant la haute saison, la charge mentale et physique de l’emploi (horaires importants et irréguliers, travail de nuit, gestes répétitifs, repas non diététiques…), due aux pointes d’activité, aux exigences des clients et des employeurs, constitue une rupture par rapport au rythme de vie normal, source de pathologies psychosomatiques.
3. Des situations et un environnement de travail souvent instables
Le personnel saisonnier est fréquemment contraint de travailler dans des lieux très éloignés de leur domicile, avec un logement pas toujours très confortable, ce qui représente une contrainte psychologique forte, qui n’est pas sans conséquence sur leur vigilance face aux dangers, qu’ils soient de nature professionnelle ou privée. Non tempéré par une hygiène de vie particulièrement surveillée, cela risque de conduire à des comportements addictifs (alcool, substances psychotropes) ou sexuels dangereux : c’est d’autant plus fréquent que l’ambiance festive, par exemple dans les lieux de vacances, inhibe l’attention que l’on peut porter à sa santé.
4. Souvent des attitudes de déni des risques chez les jeunes saisonniers
La perception des risques physiques, des erreurs alimentaires, de consommation d’alcool est souvent affectée chez les jeunes saisonniers d’un certain nombre d’illusions ou de biais perceptifs qui sont susceptibles d’affecter leur attitude vis-à-vis de la sécurité et de leur motivation à leur propre protection (intempérance, défi, excès de toute nature …).
Les principaux risques des travailleurs saisonniers
Les problèmes de santé des saisonniers les plus fréquents sont soit physiques (chutes, brulures, coupures, troubles musculo-squelettiques…) soit psychologiques (stress lié au surmenage, harcèlements).
LES RISQUES SPÉCIFIQUES A PRENDRE EN COMPTE POUR LES EMPLOIS SAISONNIERS
Dans le secteur agricole :
Les saisonniers qui effectuent des activités de cueillette, d’entretien d’espaces verts sont exposés aux risques suivants :
– Risques physiques liés aux gestes répétitifs et aux postures contraignantes de la récolte (tomates, melons, muguet…) et de la vendange, avec tous les troubles musculo-squelettiques associés (tendinites, lumbagos…),
– Risques physiques de coupures ou blessures liés à l’utilisation d’outils (sécateurs, taille-haies..),
– Risques physiques liés aux contraintes du travail en extérieur (exposition aux rayons ultra-violets, à la chaleur, piqures d’insectes, corps étrangers dans les yeux…)
– Risques de chutes de plain-pied et de hauteur : glissades et trébuchements liées à la topologie du terrain ou à un obstacle non repéré sur un sol encombré (entorses, contusions…), utilisation de moyens inadaptés d’accès en hauteur pour la cueillette de fruits (fractures, traumatismes…),…
– Mais aussi exposition non protégée aux produits chimiques notamment phytosanitaires (troubles cutanés, respiratoires…),
Dans le secteur de l’hôtellerie :
Les saisonniers qui effectuent des activités de ménage et de nettoyage sont exposés aux risques suivants :
– physiques du fait de gestes répétitifs, de postures contraignantes (réfection des lits…), de manutention de charges (poubelles…), de chutes (sol mouillé des salles de bain…),
– mais aussi chimiques du fait de l’utilisation de produits d’entretien irritants, caustiques, allergisants (détergents, désinfectants chlorés..).
Dans le secteur de la restauration
Les saisonniers qui effectuent des activités dans les cuisines ou en salle sont exposés aux risques suivants :
– chutes de plain-pied : sols souvent humides ou rendus glissant à la suite de salissures de denrées alimentaires, du renversement de liquides, d’huile …
– coupures lors de l’utilisation d’objets tranchants,
– brûlures par contact avec des surfaces chaudes (plats, fours..).
– troubles somatiques (surtout digestifs et psychologiques) causés par le travail de nuit.
Dans le secteur de l’animation
Les saisonniers qui travaillent dans des activités festives, particulièrement lors de spectacles ou d’activités événementielles, sont exposés aux risques suivants :
– Chutes de plain-pied sur scène ou en coulisse,
– Accidents liés aux manutentions de décors, d’éléments scéniques, de montage et démontage,
– Chutes de hauteur depuis des passerelles, échelles, escabeaux, mal arrimés, mal stabilisés,
– Exposition à des niveaux sonores importants,
– Risques électriques causés par des installations temporaires précaires, avec des câbles, des prises, rallonges ou des outils portatifs défectueux.
– Troubles somatiques (surtout digestifs et psychologiques) causés par le travail de nuit.
Dans le secteur du monitorat sportif et de loisirs
En plus des risques physiques liés à la pratique sportive spécifique, le monitorat s’exerce à l’extérieur, avec une exposition à la chaleur et aux rayons ultra-violets, particulièrement majorée en altitude ou sur des surfaces réfléchissantes neigeuses ou sableuses ou sur des plans d’eau :
– Les effets nocifs d’une exposition aux rayons ultraviolets entraînent à court terme des érythèmes solaires (« coups de soleil »), des pathologies oculaires douloureuses (photokératite, photoconjonctivite, ophtalmie des neiges) et à long terme la possibilité d’apparition de cancers cutanés et de cataracte.
– Les effets nocifs dus à la chaleur (insolation, déshydratation) provoquent malaises, céphalées, crampes musculaires et augmentent les risques d’accidents par la fatigue, la sudation, la diminution de la vigilance.
Les risques psychologiques des saisonniers
Le stress de l’isolement, que ne parvient pas à réduire le travail dans une zone touristique agréable, voire même est amplifié par l’ambiance des activités festives, les violences dont le harcèlement moral et sexuel sur des travailleurs dépourvu de collectif de travail, le travail de nuit et autres horaires atypiques, une surcharge de travail, sont des facteurs fréquents de risques psychologiques pour les travailleurs saisonniers.
Dans le secteur du commerce, les relations avec la clientèle génèrent une tension émotionnelle, et, pour des novices qui ne savent pas prendre de la distance, cela peut entrainer des troubles psychologiques, d’autant que la relation commerciale provoque souvent des situations tendues où le client peut se montrer verbalement voire physiquement agressif.
Tous ces contextes peuvent, par exemple, favoriser l’apparition de situations d’épuisement professionnel, de problèmes de santé liés aux effets psychosomatiques (troubles gastro-intestinaux, états d’anxiété et dépressifs…), de conduites addictives (alcool, cannabis, cocaïne, amphétamines…) : ces dernières entrainent une implication plus fréquente dans les accidents du travail, par une perte de contact avec la réalité, une désinhibition, une perte de la sensation de fatigue et une augmentation de l’estime de soi, qui favorisent les actions dangereuses et les conduites à risque.
Les mesures préventives spécifiques des risques des travailleurs saisonniers
La prévention des risques spécifiques aux travailleurs saisonniers dépend naturellement de leur activité et passe par des pratiques et gestes professionnels sécuritaires assurés par une information sur la sécurité du travail, adaptée à chaque type de métier, à la fois dans le cadre de leur intégration, puis lors d’un suivi particulier et d’un encadrement adapté à leur profil.
Des actions collectives préalables pour des groupes de saisonniers peuvent être également menées : envois de lettres d’information, temps d’information sur site par le médecin du travail ou le conseiller en prévention des risques professionnels.
Obligation renforcée d’information et de formation
Le travailleur saisonnier, plus que tout autre nouvel embauché, a besoin d’un accueil pas trop rapide qui lui laisse le temps de s’intégrer : il n’a pas (ou rarement) d’expérience professionnelle suffisante, et en tout cas, il n’a pas (sauf reconduction d’un contrat) de connaissance des lieux, des conditions et des collègues de travail.
La procédure d’accueil vise à mettre en place les conditions d’un dialogue avec le travailleur saisonnier qui permette d’apprécier son expérience et sa compétence : la formation immédiate adaptée lors de cet accueil et la sensibilisation rapide à la sécurité spécifique au métier est fondamentale afin qu’il adapte tout de suite son comportement, ses modes opératoires et sa protection individuelle face aux risques du poste de travail.
Pour le personnel saisonnier, des séances minimales d’information sur les risques et les moyens de les prévenir (notamment pour les dorsalgies, tendinites, coupures, coups de soleil, projections oculaires…) doivent ainsi être organisées.
Pour des jeunes gens qui seraient peu disciplinés, le respect des consignes de sécurité doit être présenté comme une contrainte absolue, signe de professionnalisme, et non négociable. Les saisonniers, surtout les plus jeunes, adoptent souvent des attitudes de déni du risque pour eux-mêmes qu’il convient de modifier par des rappels fréquents de sensibilisation.
Le port des équipements individuels de protection fournis (gants, vêtements de travail, lunettes et chaussures de protection, casquettes …) doit être précédé d’explications sur les risques qu’ils sont susceptibles de limiter, et le travailleur saisonnier doit aussi connaître ses responsabilités en cas de non-respect des consignes d’utilisation. L’employeur doit s’assurer que ces équipements de protection individuelle sont effectivement portés.
Le rappel des règles élémentaires d’hygiène doit faire partie de cette information.
L’obligation de formation à la sécurité même pour les travailleurs saisonniers est stipulée dans l’article L. 4141-2 du Code du travail : « L’employeur organise une formation pratique et appropriée à la sécurité au bénéfice …des salariés temporaires, à l’exception de ceux auxquels il est fait appel en vue de l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité et déjà dotés de la qualification nécessaire à cette intervention ».
Transcription des risques spécifiques aux travailleurs saisonniers dans le Document Unique
Les différents risques professionnels doivent faire l’objet d’une évaluation :
– pour permettre la rédaction du Document Unique de Sécurité (Décret du 5 novembre 2001) en appréciant à la fois l’environnement matériel et technique (outils, machines, produits utilisés) et l’efficacité des moyens de protection existants et de leur utilisation selon les postes de travail,
– pour décrire les actions de prévention complémentaires à mettre en œuvre pour les travailleurs saisonniers : l’élaboration du Document Unique permet d’identifier les facteurs de risque qui touchent parfois des postes de travail particulièrement occupés par des travailleurs saisonniers et de dresser la liste de ces postes.
Ce Document Unique doit être actualisé au moins annuellement.
Dispositions de prévention spécifiques pour le travail au soleil
Pour le travail au soleil, obliger les travailleurs saisonniers à se couvrir la tête, à ne pas travailler torse nu et à porter des sous-vêtements permettant l’évaporation de la sueur (le coton est à privilégier, le nylon est à éviter), sans toutefois négliger le port des équipements de protection individuelle, sont des mesures évidentes.
Les travailleurs doivent porter une protection de la peau pour les parties du corps qui ne peuvent pas être couvertes, essentiellement le visage, les oreilles, le cou et la nuque, en appliquant largement et fréquemment une crème solaire à haut indice de protection sur la peau laissée à nu, et des lunettes de protection avec filtres pour l’ultraviolet pour assurer la protection oculaire.
Dispositions de prévention spécifiques pour le travail de nuit
Le travail de nuit peut être imposé au saisonnier par la nature de l’emploi pour lequel le travail entre 9 heures du soir et 6 heures du matin est inhérent à l’activité (restauration, spectacles, animation des centres de vacances, …).
Le travail permanent de nuit est généralement mieux toléré que le travail en horaires alternants. En cas d’alternance des équipes, le sens chronologique doit être adopté (c’est à dire « vers l’avant » : matin, après-midi, nuit), avec des rotations courtes (tous les deux-trois jours).
En cas de repos compensateur, il est préférable de le prendre de suite et non de cumuler avec les jours de congés comme c’est souvent le cas.
Les plans de roulement des postes (avec inclusion des week-ends) doivent être aussi réguliers et prévus longtemps à l’avance que possible pour permettre aux travailleurs d’organiser au mieux leur temps libre.
Les habitudes alimentaires sont perturbées par redistribution de la prise des repas et il convient de respecter des heures de pause régulières et suffisamment longues (45 minutes au moins au milieu de la nuit) pour éviter les grignotages, améliorer la digestion, tout en adoptant une composition du repas diététique et chaud.
Le respect des règles d’hygiène
Il est essentiel de rappeler aux saisonniers d’avoir une hygiène rigoureuse : se laver les mains après chaque intervention, ne pas fumer, remplacer tout vêtement souillé par des projections chimiques, boire de l’eau régulièrement pour demeurer bien hydraté afin d’éviter le stress thermique.
Pour les saisonniers agricoles, il est aussi important de rappeler que les vêtements de protection ne doivent pas sortir du lieu de travail et doivent être rangés en dehors du local de stockage des produits phytosanitaires afin d’éviter leur saturation par les éventuelles vapeurs toxiques pouvant être dégagées par les produits. Des installations sanitaires doivent permettre les mesures d’hygiène générale : lavage des mains fréquent avec moyens adaptés, douche en fin de poste, douches oculaires.
Une trousse de secours régulièrement contrôlée et approvisionnée doit permettre des soins rapides de toute blessure, même légère. Il faut disposer d’une trousse de secours avec des produits non périmés, en particulier pour désinfecter soigneusement et panser immédiatement toute plaie cutanée.
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